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  • Un nouveau code minier pour encourager les forages et les mines ?

    Publié le 03 Septembre 2015  


    Lien vers l'article original: ici

    En mars dernier, la réforme du code minier refait brusquement surface avec la publication en ligne par les ministres du Développement durable, de l’Écologie et de l’Énergie, Ségolène Royal et de l’Économie, de l'Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron, d'un avant-projet de loi soumis à consultation(1). Cette réforme avait été initiée suite au mouvement d'opposition provoqué par la délivrance en catimini, en 2010, de permis de recherche de gaz et pétrole de schiste qui souleva en France une puissante mobilisation citoyenne soutenue par les élus locaux.

    Suite au départ des deux ministres de l'époque concernés par cette réforme, Delphine Batho, Ministre de l’Écologie, limogée en juillet 2013 et Arnaud Montebourg, Ministre de l’économie qui avait démissionné en août 2014, on pensait que cette réforme avait été abandonnée.

    Le Conseiller d'Etat, Thierry Tuot, chargé par le gouvernement Ayrault de conduire cette réforme en septembre 2012, et qui lui avait remis son projet de nouveau code minier en décembre 2013, s'en était ému. Il avait déploré que cette réforme ait été, selon ses termes, profondément enterrée. Il est vrai que les différents ministres concernés avaient annoncé depuis 2013 plusieurs calendriers promettant qu'un projet de loi serait finalisé et déposé au parlement, or ceux-ci n'avaient jamais été tenus, suscitant les critiques et l'impatience du monde pétrolier et gazier.

    Si le gouvernement est maintenant passé aux actes, son avant-projet de loi portant réforme des mines est passé totalement inaperçu dans l'opinion publique. Les médias ne s'en sont pas faits l'écho alors que le code minier avait été dénoncé à plusieurs reprises pour son obsolescence et son inadaptation à l'évolution des activités minières, particulièrement dans le domaine des hydrocarbures non-conventionnels. Pourquoi cette réforme est-elle ignorée et peu présente dans le débat public? L'opinion publique n'est pas informée sur ce que cette réforme nous prépare alors que celle-ci comporte des enjeux de première importance ?

    Relance de l'activité minière 


    Cette réforme va de pair avec la volonté du gouvernement de relancer en France l'activité minière (minerais et hydrocarbures) considérée comme un des axes de sa nouvelle politique industrielle. Elle voudrait faciliter l'exploitation du sous-sol, en simplifiant les procédures et les délais d'obtention des titres miniers, ceux-ci étant jugés par les industriels trop complexes et pénalisants pour leurs investissements. Cette activité minière a déjà, dans les faits, redémarré par l'octroi ces derniers mois de plusieurs permis exclusifs de recherches miniers dans la Sarthe, la Mayenne, la Creuse et en Bretagne, malgré l'opposition des populations.

    Les hydrocarbures ne sont pas en reste, des permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux continuent également à être délivrés aux industriels qui profitent du fait que le code minier n'identifie pas à proprement parler les gaz et pétrole de schiste (hydrocarbures non-conventionnels). En effet, ceux-ci sont intégrés dans le régime légal des gîtes miniers en tant qu'hydrocarbures, sans aucune autre précision. Cette ambiguïté permet aux industriels, sous couvert de recherches d'hydrocarbures conventionnels, de s'implanter sur des zones géographiques supposées receler des gisements non-conventionnels, dans l'attente que la loi interdisant la fracturation hydraulique soit modifiée ou assouplie pour pouvoir explorer et exploiter à terme les pétroles et gaz de schiste.

    Parallèlement, le Ministre Emmanuel Macron, a créé dans le cadre de la Stratégie nationale de transition énergétique vers un développement durable (SNTEDD), en avril 2015, un comité de pilotage « Mine responsable ». Son objectif principal est d'accompagner le renouveau du secteur minier en France en formulant des recommandations sur les conditions de sa relance. Il rédigera, d'ici fin 2015, un livre blanc qui servirait de référentiel technique pour décrire entre autres les types les techniques employées et les moyens de réduire les impacts de l'activité minière. Les opérateurs miniers seraient invités également à signer un charte de bonne conduite de l'activité minière mais naturellement non contraignante.

    Intérêt des populations ignorée


    L'avant-projet de loi prétend encadrer davantage les activités minières, afin de mieux prendre en compte les considérations environnementales et sociétales, mais le texte n'apporte pas suffisamment de garanties à ce sujet, allant jusqu'à ignorer le respect de l'intérêt des populations. Cette disposition n'est tout simplement pas prise en considération dans la définition de l'intérêt général figurant dans le texte, comme si les projets miniers et d'extraction d'hydrocarbures ne remettaient pas en cause les activités économiques préexistantes (agriculture, tourisme, etc...), les politiques locales environnementales et d'aménagement du territoire, etc...(2)

    Carte blanche aux industriels


    Le texte ne remet pas en cause pas le droit de suite qui permettrait au titulaire d'un permis d'exploration, dont la prospection se révélerait fructueuse, d'exploiter quasi automatiquement. Ce droit de suite ôterait à la population locale toute possibilité de faire valoir son point de vue. Par cette disposition, le titulaire ne serait pas soumis au dépôt d'un nouveau dossier complet, l'autorité administrative se fondant sur celui qui aurait été présenté lors de la demande d'exploration. De fait, les populations ne seraient pas consultées et informées sur les techniques utilisées, pour l'exploitation. L'obligation d'imposer aux industriels une transparence totale, en communiquant l'ensemble des substances susceptibles d'être émises dans le sous-sol, n'a pas été retenue sous prétexte qu'elle relève du secret industriel.

    Opérations d'exploration libres quelle que soit la manière de procéder


    Le gouvernement n'a jamais caché son intention de poursuivre les recherches sur les gaz et pétrole de schiste pour satisfaire les demandes des industriels qui n’ont de cesse de réclamer la possibilité de procéder à des expérimentations, car les estimations potentielles du sous-sol français ne sont pas suffisamment fiables. Or, une évaluation précise des gisements exigerait des forages exploratoires, nécessitant pour les gaz et pétrole de schiste de recourir à la fracturation. C'est pourquoi l'avant-projet de loi prévoit de conduire « les opérations d’exploration et tous essais, mis en œuvre dans le seul but d'acquérir des connaissances, évaluer quantitativement ou qualitativement une substance ou l’accès à un usage soumis aux dispositions du présent code, sont libres, quelle que soit la manière de procéder ou de mettre en œuvre ces opérations »(3). Cette disposition législative ouvrirait la voie pour étudier et expérimenter toutes les technologies d'extraction minière et conduire des opérations d'exploration.

    Le texte manque volontairement de clarté quant aux conditions de délivrance des titres miniers. Malgré l'évocation d'un rapport environnemental censé présenter les techniques possibles il n'impose pas réellement au demandeur de déclarer le type de gisement recherché et d'indiquer clairement les techniques d'exploration/exploitation qui seraient utilisées lors des travaux miniers. Les préoccupations environnementales ne semblent pas être une priorité! Il est étrange de constater que toutes les dispositions favorables au développement de l'activité minière (4)issues de l'ordonnance entreraient en vigueur de suite le jour de la publication de l'ordonnance mais que, par contre, l'entrée en vigueur des dispositions qui viseraient à protéger l'environnement serait différée et reportée à l'adoption d'une seconde loi de ratification, qui pourrait ne jamais voir le jour !(5)

    Schéma national minier non prescriptif


    Cet avant-projet de loi instaurerait un schéma national minier pour déterminer les orientations qui seraient données à l'utilisation des ressources du sous-sol et pour cartographier les gisements potentiels. N'étant qu'un inventaire des ressources du sous-sol, il ne définirait pas les conditions limitant une exploration/exploitation minière au regard des exigences environnementales et de l'intérêt des populations. A cette idée, les industriels sont naturellement opposés, souhaitant que ce schéma soit sans prescription ou interdiction, à priori de zones géographiques, de types de ressources et de techniques. Ils veulent que ce schéma n'ait aucune valeur juridique afin qu'il ne soit pas opposable aux autorisations prévues par le code minier. Cela traduit bien la volonté d'empêcher toute restriction à l'exploration/exploitation minière, laissant penser que les enjeux de biodiversité, de protection de la ressource en eau, de qualité de l'air ou les considérations relatives à l'aménagement du territoire ne peuvent a priori limiter l'exploration/exploitation minière.

    Les industriels ne manqueraient pas non plus de s'approprier de la mise à jour des connaissances géologiques pour réclamer l'ouverture de forages exploratoires afin de déterminer le potentiel des gaz de schiste ou de tout autre substance minérale.

    «Participation» du public ?


    Sur les procédures de participation du public, le projet ne prévoit aucune enquête publique dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis d'exploration, alors que c'est pendant cette phase d'exploration que se décide l'avenir du projet minier avec toutes ses conséquences. Et la simple consultation par voie électronique, rendue obligatoire par l'article L.120-3 du code de l'environnement, n'est qu'une mesure purement cosmétique visant à rassurer le citoyen dans l'exercice de son bon droit.

    L'avant projet de loi propose de créer «une procédure renforcée d'information, de participation et de consultation du public»qui permettrait de suspendre l'instruction des titres miniers, de recourir à des contre-expertises et à des évaluations complémentaires. Sa mise en œuvre ne serait décidée que dans certains cas et laissée à la libre appréciation du préfet ou des ministres en charge des mines ou de l'environnement (6). Or, le caractère totalement discrétionnaire de sa mise en œuvre laisse craindre que cette procédure renforcée ne soit jamais activée. Est ce qu' une opposition majeure de la part du public à la délivrance de titres miniers ou ceux nécessitant la mise en œuvre de nouveaux procédés techniques (comme la fracturation hydraulique) déclencheraient cette procédure? Celle-ci ne se ferait que si le préfet ou les ministres la jugent opportune . Le fait qu'elle ne puisse pas être enclenchée par d'autres acteurs que le préfet ou les ministres, notamment par un système de saisine citoyenne, en restreint considérablement la portée et la pertinence.

    L'après-mine aux oubliettes


    L'absence dans ce texte de dispositions pour encadrer la fermeture des mines et assurer la prévention des dommages liés à l'après-mine montrent bien le peu de considération accordée aux conséquences environnementales et sanitaires de l' après-exploitation. Toutes les pollutions actuellement en cours sur les nombreux anciens sites miniers affectant durablement les populations et l'environnement semblent avoir été oubliées, comme si elle n'avaient aucune réalité. Et ce n'est pas un fonds de solidarité nationale après-mine qui permettra aux victimes de retrouver leur état de santé initial ou de réparer une nappe phréatique irréversiblement polluée.

    Réforme en «trompe-l’œil»


    Cette réforme veut nous faire croire à la possibilité d'inscrire l'activité minière dans un cadre plus respectueux de l'homme et de l'environnement. Les quelques dispositions du texte décrites ci-dessus montrent clairement qu'elles n'y contribuent pas. Il faut rappeler qu'il est techniquement et industriellement impossible que l'activité extractive soit un jour « propre ». Elle laissera toujours des séquelles environnementales ou sanitaires.

    Elle prétend améliorer la participation du public alors qu'il est manifestement écarté du processus décisionnel. La législation qui se prépare ne permettra pas à la volonté générale de s'exprimer sur l'intérêt ou non d'exploiter les ressources. Leur conception de la participation du public laisse à penser qu'elle se définit comme un moyen d'obtenir l'adhésion des populations et qu'elle cherche à convaincre celles-ci, plutôt que de prendre en compte véritablement leur avis. Ces processus de « participation » sont trompeurs car les instances gouvernementales qui doivent prendre la décision sont souvent déjà acquises aux projets des industriels.

    On nous présente toujours le code minier comme un code de procédures permettant de savoir comment on décide mais il est bien plus que cela. En créant les nouvelles conditions d’exploration et d’exploitation des ressources du sous-sol, le code minier peut, par ses principes ou la forme rédactionnelle de ses dispositions, encourager ou non les activités d’exploration et de production dans toutes leurs dimensions et être orienté ou non dans le sens de préserver les intérêts économiques au détriment des exigences environnementales et sanitaires.

    Avoir les mains libres par la voie de l'ordonnance


    C'est pourquoi le ministre de l’Économie, de l'Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron a privilégié de recourir, au travers de l'article 46 de son avant-projet de loi, aux ordonnances pour « avoir les mains libres » et modifier toute une série de dispositions du code minier hautement politiques et sensibles portant sur les exigences environnementales, sur les procédures minières, sur la participation et l'information du public, sur la simplification des règles pour faciliter les opérations minières et les délais des recours contentieux.

    Cet article 46, cœur de son avant-projet de loi, autoriserait le Gouvernement à écrire par ordonnances l'ensemble du nouveau code minier,sans véritable encadrement, car le texte même de l'article 46 ne fixe aucune méthode ni principe de rédaction. Il n'y aurait donc pas d'examen parlementaire, le débat ne se limitant qu'au vote d'un article d'habilitation et au vote d'un article de ratification, en quelque sorte un blanc-seing offert au gouvernement. Ainsi, par ce qui s'apparente à un déni de démocratie, la société civile serait privée du débat collectif nécessaire et de la transparence qu'exige cette réforme au regard de ses enjeux.

    Favoriser l'acceptabilité sociale


    L'objectif principal de cette réforme est de favoriser l'acceptabilité sociale du renouveau du secteur minier (minerais et hydrocarbures) en France, mais à quel prix pour nos territoires et ses populations ? Elle sert à refondre le cadre d'investissement minier pour accélérer et sécuriser juridiquement l'accès aux territoires, à adopter un régime fiscal incitateur, à faciliter l'accès aux données géologiques, à créer des processus de « participation » qui n'ont que l'apparence de ce qu'ils prétendent être, etc...

    Il est probable que les Ministres, Emmanuel Macron, et Ségolène Royal veuillent avancer vite et déposent un projet de loi dans les prochains mois, après les élections régionales ?. Les députés de la Commission du développement durable de l'Assemblée Nationale leur ont demandé en mai de passer à la vitesse supérieure sur la réforme du code minier et de déposer un projet de loi dans les meilleurs délais souhaitant que le nouveau code minier procure un cadre à l'activité extractive, non qu'il multiplie les obstacles pour empêcher son développement (7).

    C'est pourquoi, il est impératif en tant qu'acteurs des territoires, nous fassions entendre nos voix sur cette réforme en cours et que nous reprenions notre place dans les choix technologiques et économiques faits par et pour l'industrie extractive. Il est urgent de repenser nos modes de production et de consommation afin de réduire notre dépendance vis-à-vis des ressources et de dénoncer ces sphères où les décisions se prennent loin des univers de vie du citoyen.


    Notes

    1. L'avant projet de loi
    2. http://www.economie.gouv.fr/files/code_minier_pjl_modif-suite-rim26012015_v4_3_loiprincipessca.pdf

    3. Article 1 de l'avant projet de loi

    4. Article 7 de l'avant projet de loi

    5. Article 46 de l'avant projet de loi

    6. Article 47 de l'avant projet de loi

    7. Article 27 de l'avant projet de loi

    8. http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i2780.pdf


     
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