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  • De la chute du pétrole pourrait jaillir le prochain krach, selon certains opérateurs

    Publié le 17 décembre 2014  


    Lien vers l'article original : ici


    La baisse des taux et l’abondance des liquidités provoquées par les actions massives des banques centrales à travers le monde ont poussé les investisseurs, à la recherche de rendement, à prendre des risques. Ils ont notamment financé la frénésie de forage de pétrole de schiste aux Etats-Unis. La chute des cours de l’or noir oblige les hedge funds à vendre leurs actifs les plus liquides pour rembourser les sommes empruntées pour spéculer sur le boom énergétique américain.


    De la chute du pétrole pourrait jaillir le prochain
    krach, selon certains opérateurs | Crédits photo : Shutterstock
    La chute des cours du pétrole pourrait bien provoquer le prochain krach boursier, s’inquiètent des opérateurs de marché, abasourdis par la dégringolade de 45% du prix du baril de brut en six mois, passé sous 61 dollars pour le Brent (référence de la Mer du Nord) et sous 58 dollars pour le WTI (brut léger américain), au plus bas depuis cinq ans et demi. « Pour le moment, ce n’est qu’une simple correction emmenée par la chute des actions des compagnies pétrolières, mais ça pourrait bien vite se transformer en krach », craint un trader suisse. Un krach qui trouverait son origine dans la faiblesse des taux, l’abondance de liquidités et un ratio risque/récompense progressivement de moins en moins attractif sur les actions. 

    Les investisseurs, en recherche désespérée de rendement, se sont massivement tournés vers les obligations dites à haut rendement, rémunératrices mais aussi très risquées puisqu’émises par des entreprises dont le risque de faillite est jugé élevé par les agences de notation qui classent leurs émissions de titres de dette dans la catégorie spéculative. « Le rush sur le ‘high yield’ (HY), comparable à celui sur le S&P 500, a débuté en 2009 », rappelle Etienne de Marsac, gérant de performance absolue chez Ikano pour qui ce « choc pétrolier à l’envers » est « une catastrophe pour un pan entier de l’industrie américaine, celui du pétrole de schiste, dont les coûts de production sont élevés » tellement la chute des cours du brut a été forte et rapide. Il y a, selon lui, « une analogie évidente entre la bulle Internet qui a éclaté aux Etats-Unis en 2000 et la bulle de l’extraction pétrolière qui éclate aujourd’hui sous nos yeux. » La chute du prix du brut ne « produira des effets positifs sur l’économie qu’avec un décalage de six mois à un an, avec un effet bénéfique sur la consommation, le secteur automobile ou l’aéronautique. » 

    Les hedge funds ont largement contribué au financement de la frénésie de forage dans le pétrole de schiste qui agite les Etats-Unis depuis cinq ans. Depuis que « les cours du gaz naturel ont chuté outre-Atlantique, rendant plus rentable la production de pétrole de schiste, résume Alexandre Andlauer, responsable du secteur énergie au sein du cabinet d’analyses AlphaValue, qui fait partie des très rares spécialistes à avoir prédit la chute des cours du brut, entrevoyant, il y a deux ans, la possibilité d’un baril à 50 dollars à la fin 2015. Certains acteurs sont même passés de société gazière à société pétrolière, comme EOG Resources. »

    Crédits photo : Energy Information Administration (EIA)
    De la chute du pétrole pourrait jaillir le prochain krach, selon certains opérateurs

    Un boom énergétique qui a contribué au redressement de l’économie américaine après la crise financière de 2008, à hauteur de 0,3 à 0,6 point de pourcentage du PIB, selon Steen Jakobsen, chef économiste de chez Saxo Bank, interrogé sur ses prévisions de l’évolution des cours du pétrole mercredi, en marge de la présentation des « prévisions chocs » de la banque pour 2015. Lui qui avait également anticipé la chute des cours du brut (à 80 dollars), n’est pas très optimiste pour l’évolution à venir du prix de l'or noir. Il juge que la dégringolade pourrait amputer le PIB américain de 0,5 point de base et n’exclut pas - idée controversée - la nécessité pour l’Etat de devoir venir en aide aux compagnies pétrolières et aux banques qui leur prêtent de l’argent, provoquant l’ire de l’opinion publique. 

    L’énergie, poids lourd du « high yield » 


    Dans l’univers du « high yield », les obligations du secteur énergétique se taillent la part du lion outre-Atlantique. Elles comptent pour 16% du marché américain, selon Fitch, dépassant celles du secteur pharmaceutique (8,5%) après une flambée de 155% de la dette depuis la fin 2009. Le stock de la dette a été multiplié par quatre entre 2005 et 2014 pour atteindre 210 milliards de dollars, à comparer avec un marché américain du haut rendement de presque 1.400 milliards. Les titres de crédit notés « B- » ou en deçà (catégories très spéculatives) repésentent 77 milliards de dollars, recense Fitch, compartiment sur lequel figurent essentiellement des sociétés spécialisées dans l’exploration et la production qui, au total, comptent pour la moitié des obligations à haut rendement du secteur de l’énergie. Ces acteurs sont petits, fragmentés et très sensibles à la chute des cours pétroliers de par leur structure de coûts. Leur activité nécessite en effet un effort important et constant d’investissement, d’où la mise en garde de Deutsche Bank il y a quelques semaines : le passage du baril de brut WTI sous 60 dollars mettra en péril le haut rendement du secteur énergétique.

    Au cours des derniers jours, la dette de ces sociétés d’exploration et de production a été particulièrement attaquée, leurs obligations massivement vendues sur le marché secondaire, comme celles de Laredo Petroluem (-60% depuis septembre), de Sanchez Energy (-70%), de Devon Energy (-20%), recentré cet été dans l’exploration et la production, de Continental Resources qui a découvert le gisement géant de Bakken (Dakota du Nord, qui compte pour la quasi-totalité de la production actuelle de pétrole de schiste) ou encore du gros producteur Linn Energy (-20% depuis septembre), dont la dette représentait à cette époque 71% du capital, selon Morningstar. Avec, en corollaire, une flambée des rendements associés et donc un renchérissement des coûts de financement pour ces sociétés, et aussi pour les autres, toutes celles de l’univers de l’énergie par effet de contagion - parmi les obligations qui ont le plus chuté, figurent celles des groupes de services pétroliers Transocean (-30%) et Hercules Offshore (-45%) - et encore au-delà. « Le secteur énergétique a clairement entraîné le marché du haut rendement vers le bas, l’aversion pour le risque s’est propagée à l’ensemble des obligations des catégories spéculatives », écrit Adrian Miller, directeur de la stratégie obligataire chez GMP Securities à New York, dans une note. 

    Selon l’indice Markit CDX North America High Yield, qui mesure le coût d’une assurance contre un défaut de paiement de 100 entreprises en catégorie spéculative, la prime a bondi de plus de 50 points de base la semaine dernière, à presque 400 points, sa plus forte progression hebdomadaire en deux mois, tandis que l’ETF de BlackRock spécialisé dans le haut rendement - le plus gros existant dans cet univers (14 milliards de dollars) – est tombé à son plus bas niveau depuis juin 2012.

    Le rendement de la dette souveraine américaine n’avait pas chuté autant depuis deux ans 


    L’aversion pour le risque se reflète d’ailleurs dans le taux de rendement des obligations souveraines à dix ans des Etats-Unis, qui revient flirter avec le seuil de 2% pour la première fois depuis le mini-krach d’octobre, « qui n’a été qu’un avant-goût de ce qui nous attend », juge un opérateur de marché. La dette américaine est perçue comme un actif refuge, ce qui explique le regain d’intérêt des investisseurs pour les Treasuries. Mais la hausse des cours des obligations américaines à dix ans (et donc la baisse des rendements) s’explique également par des rachats de positions baissières par les hedge funds qui, depuis le début de l’année, parient sur une chute des cours avec la fin du programme de rachats d’actifs de la Réserve fédérale américaine. Sous cette impulsion, le taux de rendement du dix ans américain a connu la semaine dernière sa plus forte baisse en deux ans.

    Crédits photo : Bloomberg

    Le rendement du taux à 10 ans américain proche de 2%

    Pris de court par le retour du risque politique en Grèce, les hedge funds, dopés au levier, doivent également faire face à des pertes sur le marché grec (actions et dette) et doivent, pour rembourser les sommes qu’ils ont empruntées pour spéculer (les faibles taux motivant la pratique), consentir à de grosses pertes pour sortir de ces positions illiquides et vendre également (à perte ou non) des actifs plus liquides. « Voilà comment un sell-off en Grèce et sur le ‘high yield’ se propage à l’ensemble des actifs », s’agace un gérant obligataire.

    Le « high yield », à l’exact opposé du marché de la dette souveraine américaine, « est l’un des marchés les plus illiquides au monde », soulignait mercredi Steen Jakobsen. Un manque de liquidités « exacerbé pendant cette période d’avant Noël, pointe Eric Pictet, directeur du bureau de Paris de Muzinich, spécialiste de la gestion obligataire à haut rendement. Après Thanksgiving, les acteurs sont moins actifs aux Etats-Unis. Muzinich, « en dehors des télécoms et des médias en 2000 et des banques en 2008 », admet « avoir une allocation dans l’énergie dans ses portefeuilles HY US proche de l’indice qui pèse 15%. » Et d’expliquer que ce secteur traitait avec des spreads (prime de risque) moyens inférieurs à 101 points de base depuis treize ans. Désormais, ces rendements offrent une prime de 250 points de base par rapport à l’indice élargi du marché du haut rendement, ce qui signifie que les investisseurs réclament, pour détenir des obligations HY du secteur énergétique plutôt qu’un panier d’autres obligations HY, une prime de rendement de 250 points de base.

    Selon Eric Pictet, un baril de brut à 60 dollars pendant un an « n’est pas problématique » et n’engendrerait « aucun défaut » dans les portefeuilles de Muzinich « car les sociétés ont du cash et beaucoup ont mis en place des couvertures. » Et à plus long terme ? « 25% de défaut » à trois ans dans le secteur est possible « mais il est probable que les prix se réajustent car l’offre devait baisser à ces niveaux de prix. » La chute des cours des obligations à haut rendement aux Etats-Unis a fait basculer l’indice général haut rendement mesuré par Bank of America Merrill Lynch en dessous de 100 depuis quelques jours, indiquant que les obligations HY s’échangent en moyenne en dessous de leur prix d’émission. Quant aux rendements, toujours selon les données de la banque d’affaires, ils s’élèvent désormais à près de 9,5%, contre un point bas de 4,87% en juin. Cette situation a « pour le moment, assez peu d’effet sur le marché européen, le secteur de l’énergie y est petit (1%). »

    Il est par ailleurs « possible mais peu probable », selon Etienne de Marsac, que les titres de dette des entreprises bien notées par les agences (catégorie investissement) subissent des dégagements aussi massifs que ceux observés sur les obligations à haut rendement du secteur énergétique américain, « étant donné le stock de plus-values latentes chez les gérants d’actifs. Cette année encore, les performances sur les fonds de crédit ‘investment grade’ (IG) sont excellentes : entre 7,5% et 8,5% de rendement. » Un autre opérateur recadre toutefois : « Je ne suis pas sûr que les gérants d’actifs traditionnels soient les plus chargés en dette d’entreprises IG. Si ce sont effectivement les hedges funds qui tiennent le marché, c’est inquiétant. L’année n’est vraiment pas bonne pour eux. Ils se sont plantés sur le papier à dix ans des Etats-Unis, sur la Russie, sur la Grèce, le rachat de Shire par Abbvie… Ils ont besoin de payer leurs appels de marge et de vendre ce qu’ils ont en portefeuille, à commencer, s’ils ne veulent pas empirer leur situation financière, par ce qui est liquide et bénéficiaire. » Au cours du premier semestre, 461 hedge funds ont fait faillite, selon le cabinet Hedge Fund Research, pour qui cette année s’annonce comme la plus funeste pour les fonds alternatifs depuis 2009.

    Les primes de risque à leur niveau d’avant crise


    Les spreads de crédit sur le haut rendement (450 points de base) comme sur celles des obligations classées dans la catégorie investissement (100 points de base) se traitent aux Etats-Unis « sur les niveaux de pré-crise. Ajustés du levier, ces niveaux sont encore plus chers. […] Ces niveaux extrêmement chers de prime de risque rendent le marché du crédit particulièrement vulnérable », reconnaît néanmoins Etienne de Marsac.

    Crédits photo : BoAML, FactSet, Bloomberg, CreditSights

    Les primes de risque, en hausse depuis cet été, explosent ce mois-ci

    Le gérant de performance absolue nous explique par ailleurs que les obligations HY sont assorties de « covenants », « c'est-à-dire de mécanismes de protection destinés à protéger le créancier. Typiquement, si le ratio dette nette sur Ebitda (excédent brut d’exploitation corrigé des dépréciations et des provisions) dépasse un certain niveau, alors le débiteur se voit couper ses lignes de crédit. Ce mécanisme protège le créancier, mais assomme le débiteur au moment où celui-ci a le plus besoin de financement. C'est l'effet ‘Jump to Default’, typique du marché du HY » qui, s’il se produit, se reflètera par une augmentation brutale des CDS (Credit Default Swap, sorte d’assurance contre la faillite), trop brutale pour que le créancier ne puisse modifier son appel de marge. Toutefois, poursuit-il, « le marché pourrait se stabiliser sous l’impact d’opérations de fusions-acquisitions. Les majors de type Exxon, Shell ou Repsol pourraient profiter de l’actuelle consolidation du secteur. »

    Alexandre Andlauer ne verse pas non plus dans la fascination du pire : « les ‘big oil’ ont assez d’actifs qu’elles peuvent vendre si ça dégénère ; à bas prix, mais qu’elles peuvent vendre tout de même pour rembourser leur dette. Elles génèrent du cash-flow, même s’il est en baisse. Elles peuvent aussi couper dans le dividende. » Cela dit, « le pétrole dans le Dakota est proche de 45 dollars le baril, c’est une zone qui devient dangereuse et des coupes massives en termes de production auront lieu sous les 40 dollars. Ces coupes ne seront visibles que dès le mois d’avril-mai, une fois que les couvertures arrivent à expiration. » Moins de production, donc moins d’argent et encore plus de mal à trouver des financements. Le printemps pourrait donc être meurtrier, au moins pour les acteurs les plus fragiles et leurs créanciers.

    © Marjorie Encelot (@marjoriencelot) - Les Echos

     
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