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  • Gaz de schiste : lettre ouverte à Jacques Julliard

    Publié le 31 Août 2013  



    SIPA

    Dans votre récent éditorial intitulé «Au pays de la pensée magique», vous prenez le parti du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, en défendant la thèse selon laquelle notre pays devrait adopter concernant «l'affaire des gaz de schiste, une attitude rationnelle [qui] consisterait d'abord à enquêter pour savoir si la France en possède, et en quelles quantités ; ensuite, à rechercher activement une méthode d'exploitation qui ne nuise pas à l'environnement» et vous traitez les opposants aux gaz et huiles de schiste d'«environnementalistes en peau de lapin». Votre vision et présentation des opposants aux gaz de schiste (qui ne sont pas tous écolos) me semble réductrice et provocatrice. Je vais donc vous donner quelques pistes à creuser sur ce sujet. 

    D'abord quelques exemples de spécialistes que l'on ne peut qualifier d'«écolos» et qui ont pris des positions nettement plus nuancées que vous (et qu'Arnaud Montebourg) quant au miracle du gaz de schiste : 

    - Nafeez Mosaddeq Ahme, directeur de l'Institute For Policy Research And Development de Brighton (2013) : «Et si la "révolution des gaz de schiste", loin de fortifier une économie mondiale convalescente, gonflait une bulle spéculative sur le point d'éclater ? La fragilité de la reprise autant que les expériences récentes devraient inciter à la prudence vis-à-vis de tels engouements.» 

    - En juin 2011, une enquête du New York Times révélait déjà quelques fissures dans la construction médiatico-industrielle du «boum» des gaz de schiste, en ébruitant les doutes nourris par divers observateurs quant aux effets d'annonce des compagnies pétrolières soupçonnées de «surestimer délibérément et même illégalement le rendement de leurs exploitations et le volume de leurs gisements». 

    - Début 2012, deux consultants américains tirent la sonnette d'alarme dans Petroleum Review, la principale revue de l'industrie pétrolière britannique. Tout en s'interrogeant sur la «fiabilité et la durabilité des gisements de gaz de schiste américains», ils relèvent que les prévisions des industriels coïncident avec les nouvelles règles de la Securites And Exchang Com-mission (SEC), l'organisme fédéral de contrôle des marchés financiers. Adoptées en 2009, celles-ci autorisent en effet les compagnies à chiffrer le volume de leurs réserves comme bon leur semble, sans vérification par une autorité indépendante. 

    Pour les industriels, la surestimation des gisements de gaz de schiste permet de faire passer au second plan les risques liés à leur exploitation. Or la fracturation hydraulique n'a pas seulement des effets délétères sur l'environnement, elle pose aussi un problème strictement économique, puisqu'elle génère une production à très faible durée de vie. Dans la revue Nature, un ancien conseiller scientifique du gouvernement britannique, David King, souligne que le rendement d'un puits de gaz de schiste décroche de 60 à 90 % au terme de sa première année d'exploitation. 

    Une chute aussi brutale rend évidemment illusoire tout objectif de rentabilité. Dès qu'un forage s'épuise, les opérateurs doivent à toute vitesse en creuser d'autres pour maintenir leur niveau de production et rembourser leurs dettes. 

    - Dans une étude publiée par la revue Energy Policy, l'équipe de King parvient à la conclusion que l'industrie pétrolière a surévalué d'un tiers les réserves mondiales d'énergies fossiles. King récuse catégoriquement l'idée selon laquelle l'exploitation des gaz de schiste pourrait résoudre la crise énergétique. 

    - Les spécialistes en placements financiers ne sont pas dupes non plus. «L'économie de la fracturation est une économie destructrice, avertit le journaliste Wolf Richter dans Business Insider. Pour éviter que cette dégringolade n'entame leurs revenus, les compagnies doivent pomper encore et encore, en compensant les puits taris par d'autres qui le seront demain. Hélas, tôt ou tard, un tel schéma se heurte à un mur, celui de la réalité.» 

    - Arthur Berman, un géologue qui a travaillé pour Amoco, se dit lui-même surpris par le rythme «incroyablement élevé» de l'épuisement des gisements. Pour s'assurer des résultats stables, les exploitants vont devoir forer «presque 1 000 puits supplémentaires chaque année sur le même site. Soit une dépense de 10 à 12 milliards de dollars par an... Si on additionne tout cela, on en arrive au montant des sommes investies dans le sauvetage de l'industrie bancaire en 2008. Où est-ce qu'ils vont prendre tout cet argent ?» 

    De plus, vous n'êtes pas sans savoir, Jacques Julliard, que la France a un quota d'émissions de CO2 à ne pas dépasser d'ici à 2050 pour rester sous les 2 °C de hausse des températures. Aujourd'hui, les émissions des projets d'extraction fossile en cours font déjà exploser ce quota. Il est donc impensable, quelle que soit la méthode d'extraction, d'aller chercher de nouvelles ressources fossiles. L'avenir, c'est la transition énergétique, pas le développement de l'énergie carbonée !

    © Paul Reybard - Marianne


     
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