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  • faut-il avoir peur du gaz de schiste ?

     Publié le 14 septembre 2012 





    Conséquences sur l'environnement, coût de l'énergie, évaluation des réserves : bien des questions se posent sur cette nouvelle ressource, devenue un enjeu politique. Un dossier sensible pour la conférence environnementale des 14 et 15 septembre


    L'impact sur le climat reste controversé L'un des arguments forts en faveur du gaz de schiste est son impact climatique, réputé plus faible que celui du charbon. A même quantité d'énergie produite, le gaz en général émet presque deux fois moins de dioxyde de carbone (CO2), principale cause du réchauffement climatique. Mais, en avril 2011, Robert Howarth a levé un lièvre de taille. Selon l'étude publiée par ce biogéochimiste américain, professeur à l'université Cornell (Etat de New York), 3,6 % à 7,9 % du gaz de schiste produit aux Etats-Unis s'échapperait dans l'atmosphère. Or ce gaz - principalement composé de méthane (CH4) - a un potentiel d'effet de serre beaucoup plus fort que le CO2. 

    Il ne reste cependant qu'un peu plus d'une décennie dans l'atmosphère, contre plus d'un siècle pour le CO2, et produit donc ses effets réchauffants sur une période plus courte... En définitive, selon Robert Howarth, le gaz de schiste serait pire que le charbon pour le climat, surtout si l'on considère l'effet climatique sur vingt ans et non sur un siècle, comme c'est habituellement l'usage.

    Ces travaux ont été attaqués, notamment par le géologue Lawrence Cathles, lui aussi professeur à Cornell et ancien chercheur chez Chevron, l'une des principales compagnies pétrolières des Etats-Unis. Dans un commentaire critique publié par la revue Climatic Change, Lawrence Cathles estime que les calculs de son collègue sont erronés et qu'ils s'appuient sur des hypothèses par trop pessimistes. 

    Depuis, la pertinence des questions soulevées par Robert Howarth a été confirmée par des mesures de terrain menées par des chercheurs de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et l'université du Colorado à Boulder. Conduits par Gabrielle Pétron et publiés en février dans le Journal of Geophysical Research, ces travaux ont consisté à prélever des échantillons d'air dans la région de Denver-Julesburg, au nord-est du Colorado, où des "gaz de réservoirs compacts" (tight gas) sont exploités avec les mêmes techniques de fracturation que le gaz de schiste.

    L'analyse de Gabrielle Pétron et de ses collègues aggrave encore celle de Robert Howarth : elle suggère qu'entre 2 % et 8 % du gaz de schiste extrait est relâché dans l'atmosphère - avec 4 % comme valeur la plus probable. Et encore, ces mesures ne prennent en compte que les fuites qui se produisent sur les sites d'exploitation, et non, comme l'a fait Robert Howarth, celles qui surviennent tout au long du cycle de vie du gaz, au cours de son acheminement et de son traitement. 

    Selon Total, l'étude de Gabrielle Pétron est le reflet d'un cas particulier, lié à des installations anciennes. "Nous avons mené une autre campagne de mesures dans l'Utah, dont nous espérons publier les résultats avant la fin de l'année, dit Gabrielle Pétron. Nous allons aussi mener une campagne de mesures par avion." D'autres études sont également en cours en Pennsylvanie et au Texas. 

    Le débat scientifique est donc loin d'être clos. Cependant, le rapport sur le sujet commandé par la Commission européenne au consultant britannique AEA, publié début septembre, estime que, sur une échelle de temps d'un siècle, l'impact climatique du gaz de schiste reste très inférieur à celui du charbon. Pour Robert Howarth, prendre en compte l'impact sur vingt ans est plus pertinent, car les travaux les plus récents "montrent que sans une réduction immédiate des émissions globales de méthane, le climat se réchauffera vers un point de bascule dangereux dans les dix-huit à trente-cinq années qui viennent", explique le chercheur. 

    Une exploitation qui présente des risques La réalité de plusieurs contaminations d'eaux souterraines dues à l'exploitation du gaz de schiste ne fait pas de doute. Dans un rapport d'étape publié en novembre 2011, l'agence fédérale américaine de protection de l'environnement (EPA) a compilé des cas de pollutions attribués aux activités gazières.

    La liste n'est pas exhaustive, mais recense plus d'une quarantaine de situations dans lesquelles les populations se plaignent de pollutions diverses, qu'elles attribuent à l'exploitation de gaz non conventionnels : contamination de l'eau potable aux hydrocarbures, chute de la quantité d'eau disponible dans les points de prélèvement, augmentation de la salinité de l'eau, épandage de boues de forage, fuites du liquide de fracturation... L'accumulation de méthane dans une habitation et l'explosion de celle-ci a même été rapportée à Bainbridge (Ohio). 

    L'EPA a sélectionné plusieurs de ces sites pour y mener des investigations et doit publier une analyse complète dans les prochains mois. Dans le rapport commandé par la Commission européenne, le cabinet d'études AEA estime que les risques de contamination des eaux souterraines, mais aussi des eaux de surface, sont "élevés". Cependant, ce n'est pas la fracturation hydraulique en elle-même qui est en cause, mais généralement des défauts de cimentation des puits. 

    Dans une autre étude, publiée en mai 2011 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, des chercheurs de l'université Duke (Caroline du Nord) ont montré qu'en Pennsylvanie et dans l'Etat de New York, le méthane en excès dans des points de prélèvement d'eau provenait bel et bien de l'exploitation du gaz de schiste, mais qu'il n'était pas remonté dans la nappe phréatique par les réseaux de fissures ouvertes par la fracturation. C'est donc lors de sa remontée dans le tubage qu'il a fuit dans les aquifères affleurant sous la surface.

    "A ma connaissance, la fracturation hydraulique en elle-même n'a été incriminée que dans un unique cas, à Pavillion, dans le Wyoming, explique un responsable de Total. Mais il s'agit d'un cas d'école de ce qu'il ne faut pas faire puisque l'opérateur a fracturé la roche bien trop près de la surface, à environ 600 mètres." 

    Selon le rapport d'AEA, la phase d'exploitation la plus risquée n'est pas la fracturation de la roche, mais la mise en production du puits. A ce moment, une part du fluide de fracturation qui a été injecté est régurgitée et revient à la surface. Ce fluide de retour peut être récupéré mais, en cas de fuite, le risque est celui d'une contamination des sols et des eaux de surface par les additifs chimiques du fluide. Mais aussi par des métaux lourds et des éléments radioactifs qui reviennent des profondeurs de la terre, dissous dans le mélange. 

    Pour Total, ces accidents intervenus outre-Atlantique sont surtout le fait de l'irruption de nombreux petits opérateurs, financièrement fragiles et peu regardants sur la sécurité de leurs installations. En outre, le fluide de retour peut être traité et recyclé, pour être réutilisé ou remis dans le circuit des eaux de surface.

    Il n'en reste pas moins que les risques de pollution de l'air - en particulier par des composés organiques volatils et des hydrocarbures - sont également jugés "élevés" par le cabinet AEA. En avril, une équipe conduite par Lisa McKenzie (Colorado School of Public Health, université du Colorado à Aurora) a échantillonné l'air ambiant de Garfield (Colorado) et y a découvert des concentrations accrues d'hydrocarbures. Ces travaux, publiés en avril dans Science of the Total Environment estiment qu'il existe un risque accru de cancer du sang pour les personnes passant le plus clair de leur temps à moins de 800 mètres des puits. 

    Cette question des "émissions fugitives" pourrait être résolue grâce à l'utilisation de nouveaux matériels, d'ores et déjà disponibles, assure-t-on chez Total, où l'on insiste sur les carences réglementaires américaines.

    Le forage modifie les territoires L'exploitation du gaz de schiste transforme de manière notable les territoires. Pas tant du point de vue du paysage - les hautes tours de forage ne restent en place que quelques semaines, le temps de creuser le puits - que de celui du terrain. L'installation des équipements, citernes et stockages, nécessaires à l'exploitation, suppose d'emblée de couvrir le sol d'une dalle de ciment ou de goudron sur laquelle les engins peuvent manoeuvrer et le puits être creusé. A la plate-forme s'ajoutent la route d'accès et le gazoduc pour évacuer l'hydrocarbure. 

    Selon l'étude d'AEA, remise en septembre à la Commission européenne, aux Etats-Unis, les plates-formes d'exploitation occupent ainsi en moyenne une surface de 3,6 hectares. L'association américaine Nature Conservancy confirme le chiffre dans une étude effectuée en Pennsylvanie. Celle-ci souligne aussi que "le déboisement fragmente la forêt, créant de nouvelles lisières, ce qui change les conditions d'habitat des espèces sensibles qui dépendent des conditions de la "forêt profonde"". 

    L'impact global est d'autant plus important que, contrairement à ceux du gaz naturel conventionnel, les gisements de gaz de schiste sont de toute petite taille. Pour exploiter un sous-sol, il faut donc forer à de très nombreux endroits. Selon AEA Technology, "il faut environ cinquante puits de gaz de schiste pour produire la même quantité de gaz qu'un puits en mer du Nord". 

    Aux Etats-Unis, ce sont donc des milliers de puits qui sont creusés, provoquant un mitage du territoire dans les régions concernées. Selon la revue Environmental Health Perspectives de juillet, plus de 20 000 puits devraient être creusés chaque année dans ce pays d'ici à 2035, ainsi que 10 000 puits pour le pétrole de schiste. 

    Les compagnies pétrolières observent cependant que la tendance consiste à concentrer le plus grand nombre possible de puits par plate-forme, jusqu'à dix, afin de réduire l'impact sur le territoire.

    Qu'advient-il du terrain après exploitation ? Il ne s'agit pas seulement d'évacuer les équipements de surface et la tête de puits, mais aussi de décaper le sol de son revêtement pour remettre de la terre naturelle et permettre le retour de la culture ou de la végétation originelle. L'expérience américaine est encore trop récente pour savoir si cette restauration est systématiquement pratiquée.

    Des réserves à confirmer Le sous-sol contient sans doute beaucoup de gaz de schiste, mais on ne sait pas quelle quantité serait exploitable dans des conditions rentables. Géologues et entreprises restent très prudents sur le potentiel réel du gaz de schiste. En avril 2011, pourtant, l'administration américaine de l'énergie, l'EIA, a publié une évaluation des ressources mondiales selon laquelle les trente-deux grandes régions analysées - excluant l'essentiel de l'Afrique, de la Russie et de l'Asie centrale - recèleraient environ 185 000 milliards de mètres cubes de gaz de schiste, soit quasiment autant que les réserves estimées de gaz conventionnel.

    La nouvelle, spectaculaire, a fait naître de grands espoirs dans de nombreux pays. Mais il est vite apparu que les estimations de l'EIA étaient très optimistes. Le rapport se fondait sur des présomptions en fonction des couches géologiques et non sur des analyses de terrain. En fait, explique un géologue de l'Institut français du pétrole Energies nouvelles, pour parvenir à des estimations plus précises, il faut réaliser des puits d'exploration, car les terrains présentent tous des conditions particulières. Ainsi, en Pologne, deux puits ont été creusés, produisant des résultats décevants. L'Institut national de géologie polonais a publié en avril une étude situant le potentiel du pays à un niveau près de dix fois inférieur à celui avancé par l'EIA. 

    On dispose cependant d'un "modèle" réel riche d'enseignements : les Etats-Unis, où le gaz de schiste, exploité avec intensité, est un grand succès depuis près de dix ans. Les géologues devraient pouvoir en tirer des conclusions applicables sur d'autres terrains. Mais le recul manque encore pour évaluer la durée et le potentiel total des gisements. 

    En France, l'énergie coûterait - un peu - moins cher La France peut-elle espérer que l'exploitation de gaz de schiste - si son sous-sol en contient - entraînera une baisse des prix de l'énergie ? Avancé par les défenseurs du gaz de schiste, l'argument s'appuie largement sur l'exemple des Etats-Unis, dont la situation est pourtant difficilement transposable. Les prix du gaz conventionnel s'y sont effondrés en raison d'un afflux massif de gaz de schiste sur le marché. Cela a entraîné, par ricochet, une baisse des prix du charbon, devenu, comme le nucléaire, moins compétitif. 

    Aux Etats-Unis, cet effondrement des cours du gaz a été une aubaine pour les industries électro-intensives (pétrochimie, sidérurgie, papeteries...). "On a une bonne visibilité sur les prix et les volumes de gaz non conventionnel à un horizon de quinze ans", assure Stanley Nahon, directeur du secteur énergie du consultant Booz & Company. Les réserves sont en effet identifiées et le ministère américain de l'énergie (DoE) estime que les prix augmenteront progressivement, passant de 2,70 dollars par million de BTU (British thermal unit, soit 28 m3) actuellement, à 5 dollars en 2020 et 7 dollars en 2035. 

    En France, aucun expert n'ose clamer : les gaz de schiste, c'est l'Amérique ! "La situation américaine n'est pas reproductible en Europe, prévient le président de l'Institut français du pétrole Energies nouvelles. Aux Etats-Unis, l'industrie parapétrolière est très dynamique. On compte 1 000 installations de forage là-bas, une cinquantaine seulement ici." Olivier Appert met aussi en avant une réglementation du secteur des mines plus favorable et une moindre densité démographique. Autant de facteurs qui permettent de baisser les coûts de production et de contourner les rejets de l'opinion.

    "Les coûts de production seront plus élevés ici qu'aux Etats-Unis", reconnaît Stanley Nahon. Et le prix final aussi. En outre, le "mix énergétique" est différent. Aux Etats-Unis, de nombreux exploitants de centrales électriques ont remplacé le charbon (50 % de l'électricité américaine) par le gaz, dégageant un double gain, financier et environnemental. 

    La France, qui a très peu de centrales au charbon et un parc nucléaire fournissant une électricité encore compétitive, ne retirerait pas de tels bénéfices. Les analystes ne voient pas non plus d'impact positif du gaz de schiste sur les prix du pétrole et des carburants. Leur développement rapide aux Etats-Unis n'a pas empêché le gallon d'essence de grimper à 3,85 dollars (2,99 euros) en septembre.

    Reste le gaz naturel. C'est un combustible "trop cher en Europe", estime Thierry Bros, analyste à la Société générale. Ce qui explique en partie la baisse de 11 % de la consommation en 2011. "Le développement des gaz non conventionnels peut entraîner une moindre pression sur les prix en Europe", juge Olivier Appert. Les grands fournisseurs de la France (Norvège, Russie, Algérie) seraient en effet obligés de renégocier - à la baisse - les prix inscrits dans les contrats à long terme signés par GDF Suez.

    Plus largement, le gaz de schiste pourrait profiter à l'économie nationale. Outre-Atlantique, les plus optimistes estiment qu'il a procuré 0,5 à 1 point de croissance supplémentaire grâce à l'emploi et à la relocalisation d'industries. Son développement en France réduirait aussi un peu la facture énergétique, qui a augmenté de 32 % en 2011 (61 milliards d'euros).

    Un gisement d'emplois difficile à évaluer Quand il s'agit de mesurer l'impact de l'exploitation des huiles et gaz de schiste sur l'emploi, les chiffres valsent et se contredisent. Aux Etats-Unis, pays leader dans le secteur des hydrocarbures non conventionnels, une étude publiée en novembre 2011 par le cabinet Deloitte annonce près de 550 000 emplois créés en 2010. "C'est le chiffre qui circule, en effet, confirme-t-on chez un pétrolier. Certaines prévisions évoquent même 1,3 million de jobs d'ici à 2035. Mais rien n'est moins sûr..." 

    Des emplois créés ? Personne n'en doute, mais dire combien relève de la "futurologie" estime l'ONG Food & Water Watch dans une note datée du mois de mars. L'association souligne que "les projections les plus optimistes réalisées ne prennent pas en compte les conséquences des forages qui provoquent la destruction d'emplois dans le tourisme ou l'agriculture, par exemple".

    Et de rappeler que, lors de campagnes industrielles aussi techniques, les groupes pétroliers réservent les "jobs les mieux rémunérés à du personnel qualifié issu d'autres régions et non à des travailleurs locaux". De même, l'ONG insiste sur le fait que les autres emplois créés sont temporaires, douze mois environ, le temps de mettre en état de marche les puits. 

    Dans une étude publiée en décembre 2011 dans la revue internationale Energy Economics, Jeremy G. Weber, chercheur au Département américain de l'agriculture, présente les résultats de l'enquête empirique qu'il a menée dans trois Etats concernés par l'exploitation du gaz de schiste : le Colorado, le Texas et le Wyoming. Ses travaux - les premiers qui s'appuient sur des expériences réelles - mettent en évidence que cette exploitation a entraîné "des hausses modestes en termes d'emplois, de salaires et de revenus financiers". 

    Plus précisément, il démontre que chaque million de dollars de gaz produit conduit localement à la création de 2,35 emplois et produit 91 000 dollars (70 450 euros) de revenus salariaux. Des conclusions qui l'incitent à mettre en garde contre tout optimisme démesuré des prévisionnistes.


    © Le Monde.fr
        Marie-Béatrice Baudet, Jean-Michel Bezat, Stéphane Foucart et Hervé Kempf


     
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    1 commentaire :

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